Souvent
dépossédé des leviers habituels du marketing mix, le marketing B to B doit se
saisir de la notion d’expérience client pour jouer pleinement son rôle de
fédérateur des initiatives de renforcement de la culture client.
Hors des marchés de masse le
marketing a généralement du mal à trouver sa place dans des organisations B to
B. Par exemple, sur les marchés d’affaires, la politique produit émane souvent
des demandes des clients eux-mêmes (offres « sur mesure ») quand elle
n’est pas pilotée par les fonctions techniques ou production, fortes de leur
expertise métier.
La fonction commerciale, très
prégnante qu’il s’agisse de « grands comptes » ou de marché diffus, pilote
elle-même la fonction distribution en lien avec diverses organisations de type ADV
ou logistique. Elle assure évidemment – généralement avec talent – la relation-client avec les acheteurs. De même c’est souvent la force de vente ou le
management commercial qui a en dernier lieu la main sur la politique de prix.
Soit de manière directe en répondant à des cahiers des charges dans le cadre de
procédures formalisées, soit plus indirectement par le biais des politiques de
remises plus ou moins affichées et par les cascades de délégations les
encadrant qui sont en tant que telles un levier de management commercial.
Cette primauté de la
relation commerciale est encore plus forte lorsque les offres B to B sont des
offres « uniques » (ex. construction d’une usine) ou des offres de
fourniture de long terme et des achats récurrents (ex. pièces ou
sous-ensembles) voire des « commodités » gérées par des acheteurs
professionnels (ex. énergie fluides...). Les organisations de type « Key
Account Management » sont d’ailleurs probablement le signe qu’une certaine vision transverse
fait défaut, mais restent marquées par une culture très commerciale. Le
marketing dans ces domaines est vu au mieux comme un luxe et au pire comme une
gêne.
De fait, la fonction
marketing en B to B est souvent « écartelée » entre un pilotage marketing
stratégique assez abstrait centré sur des questions d’attractivité de segments
de marché et un marketing opérationnel très proche du terrain, éditant et
distribuant des fiches produits, catalogues ou échantillons quand il n’est pas
occupé à des actions de relations publiques...
L’engouement pour la
notion d’expérience client nous semble indiquer tout naturellement les voies d’un
nécessaire retour du marketing dans l’univers B to B. L’expérience client désigne l’ensemble des
perceptions subjectives du client avant, pendant et après l’achat d’un produit
ou d’un service. Elle recouvre donc les anticipations (et l’écart entre
celles-ci et la réalité), la recherche de solutions, l’expérience d’achat
elle-même et toutes les phases d’utilisation du produit ou service (y compris
le cas échéant sa destruction ou son replacement).
En B to B, la bonne prise
de conscience du caractère subjectif et individuel de l’expérience client est
déjà une bonne chose et évite des raccourcis trompeurs. On entend encore trop
souvent dire « l’entreprise X pense que… » ou « le compte Y est
insatisfait ».
L’expérience client B
to B est spécifique à double titre :
- Le client n’est pas
unique, il s’agit généralement d’un ensemble de personnes : des
prescripteurs, des acheteurs, des utilisateurs, des payeurs, des mainteneurs,
etc. Chacune de ces personnes (l’expérience client est individuelle) peut avoir
elle-même à faire à plusieurs personnes dans la sphère du vendeur (commercial,
services techniques, livraison, SAV…). Il s’agit donc d’une matrice de
relations client.
- D’autre part, le client
B to B même pris collectivement, est rarement un
utilisateur « final » des produits / services qu’il
achète. Il a lui-même des clients qui ont leurs attentes spécifiques
(« les clients des clients »). Plus généralement, les achats B to B
sont un moyen au service d’une fin. Une camionnette de livraison achetée
par un industriel sera aussi un vecteur d’image, une composante de service
rendu, etc.
Notre expérience récente
chez Why Consulting nous conduit à penser que s’il se fixe pour ambition de
piloter et d’améliorer l’expérience client, le marketing est légitime,
compétent et efficace.
Le marketing est légitime
La fonction marketing est
par définition transversale. Or, la prise en compte de l’expérience client et
la promotion de son amélioration supposent d’agir sur toutes les dimensions de
l’entreprise. Par exemple l’expérience client peut être fortement dégradée par
un service maintenance peu réactif ou par un processus de facturation trop
rigide ou complexe. Les commerciaux, en admettant qu’ils aient conscience de
ces dysfonctionnements « en aval », ne sont pas légitimes pour interférer
avec un SAV ou une DAF. Le marketing - lui - sera pleinement dans son rôle s’il
intervient auprès des services concernés pour suggérer des comportements ou des
processus adaptés aux attentes des différents types de clients.
Garant en dernière analyse
de la position concurrentielle de la marque ou de l’entreprise, le marketing
est fondé à agir sur toutes les dimensions ayant un impact sur les clients. Dans
la relation avec la « sphère client » les commerciaux auront
naturellement tendance à rechercher les décideurs, acheteurs ou
prescripteurs-clés. Le marketing sera fondé à élargir ce cercle pour faire
émerger des demandes d’achat et plus encore des leviers de fidélisation avec
tous les influenceurs chez le client B to B. Cette évolution nécessaire est en
cours chez les acteurs les plus en pointe, et il est d’ailleurs significatif
que la question de la marque, territoire marketing s’il en est, suscite de
nouveau l’intérêt de grandes organisations B to B.
Le marketing est compétent
La prise en compte de
l’expérience client et son amélioration correspondent bien aux outils et
méthodes du marketing, et supposent en fait un « état d’esprit »
marketing.
Pour commencer, le
marketing sait être analytique. Habitué à modéliser des comportements d’achat
ou à jongler avec les concepts d’attitudes ou de préférence, le marketing sait s’affranchir
des impressions subjectives et des anecdotes rapportées par la force de vente. Le
caractère « scientifique » des démarches marketing se retrouve par
exemple dans la capacité à gérer des marchés tests, à raisonner de manière
prospective et à maîtriser la base de connaissance du marché cible. Conséquence
logique de cette dimension, le marketing a l’habitude de commander, piloter et
interpréter des études. Cette capacité à gérer efficacement les résultats des
études et enquêtes est fondamentale. A titre d’exemple, les enquêtes de
satisfaction auprès de clients B to B sont un levier précieux de transformation
si elles sont réellement utilisées à cette fin ; et faire entendre la
« voix du client » suppose un savoir-faire marketing.
Une autre compétence-clé
du marketing sera nécessaire pour avancer vers une expérience client
riche : la capacité à créer et faire évoluer des segmentations. Une
approche de l’expérience client B to B qui ne serait pas fondée sur une
véritable segmentation serait vouée à l’échec. Pour un même produit (mettons :
de l’oxygène liquide) l’usage et l’expérience client seront radicalement
différents entre un client industriel et un client médical… Une approche
réellement segmentée, au sens d’une segmentation marketing et non d’un
découpage de portefeuilles commerciaux, est un préalable à toute ambition
sérieuse d’amélioration de l’expérience client. Un de nos clients dans le
secteur de la gestion des déchets illustre parfaitement cette logique.
Conséquence logique de
cette double compétence (analyse + segmentation) le marketing peut s’appuyer
sur la notion d’offre, un territoire familier. Manipulée avec précaution la
notion d’offre permet de construire LES expériences clients des membres des
organisations B to B comme autant de composantes de l’offre globale faite à ce
client. L’entreprise lui / leur apporte un produit ou un service, mais aussi
tout son environnement, on lui en facilite l’usage, on cherche à en réduire le
coût (monétaire ou autre) de possession, etc.
Le marketing est efficace
Evidemment, la fonction
marketing est efficace du fait de sa légitimité et de ses compétences. Les
raisons évoquées ci-dessus font qu’une initiative sérieuse d’amélioration de
l’expérience client B to B suppose (1) un pilotage marketing pour être acceptée
par tous, (2) une approche marketing pour être conduite de manière informée et
segmentée.
De plus en B to B comme en
B to C, il devient indispensable de savoir penser la relation de manière
multicanale et notamment digitale. Sans développer ici toutes les conséquences
de ce phénomène, il est clair qu’il suppose une approche marketing et qu’une
démarche exclusivement commerciale fondée sur une force de vente revient à se
couper un bras… Si le CRM pouvait encore être à une époque l’outil des forces
de vente, il ne permet plus de gérer réellement la relation multicanale avec
tous les utilisateurs (nous y reviendrons bientôt).
Il nous semble en somme chez
Why Consulting que le prisme de l’expérience client est extrêmement fécond et
pertinent en B to B. Parce qu’il est
facile à comprendre et à faire comprendre il peut devenir un levier important
de transformation des organisations et d’amélioration de la rentabilité. Mais
son apparente simplicité suppose un savoir-faire particulier pour en tirer tous
les bénéfices et ces compétences sont généralement détenues par les acteurs de
la fonction marketing.
Construire la gamme
d’offre d’une entreprise B to B n’est pas essayer de compiler les offres faites
aux clients. Il est d’ailleurs préférable de bannir ce terme et de parler de
« réponse » ou de « solution » pour les réponses. Cette gamme
d’offre ou plutôt ces gammes d’offres d’expérience client doivent montrer une
connaissance fine des besoins des utilisateurs, être cohérentes avec le
positionnement de la marque, et
cohérentes au sens du mix marketing. A titre d’exemple il est évident que le
bon choix des quantités et des packagings sont – aussi – une question importante
d’expérience client : la même colle ne sera pas fournie sous la même forme
selon qu’elle sera mise en œuvre par un artisan du BTP ou sur une chaîne de
montage…
Les bénéfices d’une
approche marketing de l’expérience client
Face à l’exigence de
trouver des leviers de différenciation alors que l’offre produit se banalise,
l’approche par l’expérience client en B to B permet presque naturellement de
raisonner « solution » et non plus produit. Il résulte de cette
nouvelle posture mentale si elle est acceptée par des tous des gains
significatifs en termes de :
- Fidélisation :
les liens tissés à tous les niveaux chez les clients créent des barrières à
l’entrée importantes pour des concurrents, alors même que la satisfaction des
utilisateurs aide à défendre sa position et à aller vers un véritable
partenariat.
- Développement des ventes :
à la fois chez ses clients existants en apportant des nouveaux services et en
étendant sa couverture des besoins mais aussi en développant des logiques de
prescription interne ou externe.
- Amélioration des marges :
en apportant des solutions à plus forte valeur ajoutée, mais aussi par la
maîtrise des coûts que permet une approche du juste besoin et le développement
de gammes d’offres adaptées à chaque segment.
Auteur : Vincent
Thuillier, Directeur Why Consulting
https://fr.linkedin.com/in/vthuillier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire