vendredi 11 décembre 2015

L’expérience client : une raison d’être pour le marketing B to B





Souvent dépossédé des leviers habituels du marketing mix, le marketing B to B doit se saisir de la notion d’expérience client pour jouer pleinement son rôle de fédérateur des initiatives de renforcement de la culture client.  

Hors des marchés de masse le marketing a généralement du mal à trouver sa place dans des organisations B to B. Par exemple, sur les marchés d’affaires, la politique produit émane souvent des demandes des clients eux-mêmes (offres « sur mesure ») quand elle n’est pas pilotée par les fonctions techniques ou production, fortes de leur expertise métier.

La fonction commerciale, très prégnante qu’il s’agisse de « grands comptes » ou de marché diffus, pilote elle-même la fonction distribution en lien avec diverses organisations de type ADV ou logistique. Elle assure évidemment – généralement avec talent –  la relation-client avec les acheteurs.  De même c’est souvent la force de vente ou le management commercial qui a en dernier lieu la main sur la politique de prix. Soit de manière directe en répondant à des cahiers des charges dans le cadre de procédures formalisées, soit plus indirectement par le biais des politiques de remises plus ou moins affichées et par les cascades de délégations les encadrant qui sont en tant que telles un levier de management commercial.

Cette primauté de la relation commerciale est encore plus forte lorsque les offres B to B sont des offres « uniques » (ex. construction d’une usine) ou des offres de fourniture de long terme et des achats récurrents (ex. pièces ou sous-ensembles) voire des « commodités » gérées par des acheteurs professionnels (ex. énergie fluides...). Les organisations de type « Key Account Management » sont d’ailleurs probablement  le signe qu’une certaine vision transverse fait défaut, mais restent marquées par une culture très commerciale. Le marketing dans ces domaines est vu au mieux comme un luxe et au pire comme une gêne.  

De fait, la fonction marketing en B to B est souvent « écartelée » entre un pilotage marketing stratégique assez abstrait centré sur des questions d’attractivité de segments de marché et un marketing opérationnel très proche du terrain, éditant et distribuant des fiches produits, catalogues ou échantillons quand il n’est pas occupé à des actions de relations publiques...

L’engouement pour la notion d’expérience client nous semble indiquer tout naturellement les voies d’un nécessaire retour du marketing dans l’univers B to B.  L’expérience client désigne l’ensemble des perceptions subjectives du client avant, pendant et après l’achat d’un produit ou d’un service. Elle recouvre donc les anticipations (et l’écart entre celles-ci et la réalité), la recherche de solutions, l’expérience d’achat elle-même et toutes les phases d’utilisation du produit ou service (y compris le cas échéant sa destruction ou son replacement).

En B to B, la bonne prise de conscience du caractère subjectif et individuel de l’expérience client est déjà une bonne chose et évite des raccourcis trompeurs. On entend encore trop souvent dire « l’entreprise X pense que… » ou « le compte Y est insatisfait ».

L’expérience client  B to B est spécifique à double titre :

- Le client n’est pas unique, il s’agit généralement d’un ensemble de personnes : des prescripteurs, des acheteurs, des utilisateurs, des payeurs, des mainteneurs, etc. Chacune de ces personnes (l’expérience client est individuelle) peut avoir elle-même à faire à plusieurs personnes dans la sphère du vendeur (commercial, services techniques, livraison, SAV…). Il s’agit donc d’une matrice de relations client.

- D’autre part, le client B to B même pris collectivement, est rarement un utilisateur « final » des produits / services qu’il achète. Il a lui-même des clients qui ont leurs attentes spécifiques (« les clients des clients »). Plus généralement, les achats B to B sont un moyen au service d’une fin. Une camionnette de livraison achetée par un industriel sera aussi un vecteur d’image, une composante de service rendu, etc.

Notre expérience récente chez Why Consulting nous conduit à penser que s’il se fixe pour ambition de piloter et d’améliorer l’expérience client, le marketing est légitime, compétent et efficace.

Le marketing est légitime

La fonction marketing est par définition transversale. Or, la prise en compte de l’expérience client et la promotion de son amélioration supposent d’agir sur toutes les dimensions de l’entreprise. Par exemple l’expérience client peut être fortement dégradée par un service maintenance peu réactif ou par un processus de facturation trop rigide ou complexe. Les commerciaux, en admettant qu’ils aient conscience de ces dysfonctionnements « en aval », ne sont pas légitimes pour interférer avec un SAV ou une DAF. Le marketing - lui - sera pleinement dans son rôle s’il intervient auprès des services concernés pour suggérer des comportements ou des processus adaptés aux attentes des différents types de clients.

Garant en dernière analyse de la position concurrentielle de la marque ou de l’entreprise, le marketing est fondé à agir sur toutes les dimensions ayant un impact sur les clients. Dans la relation avec la « sphère client » les commerciaux auront naturellement tendance à rechercher les décideurs, acheteurs ou prescripteurs-clés. Le marketing sera fondé à élargir ce cercle pour faire émerger des demandes d’achat et plus encore des leviers de fidélisation avec tous les influenceurs chez le client B to B. Cette évolution nécessaire est en cours chez les acteurs les plus en pointe, et il est d’ailleurs significatif que la question de la marque, territoire marketing s’il en est, suscite de nouveau l’intérêt de grandes organisations B to B.

Le marketing est compétent

La prise en compte de l’expérience client et son amélioration correspondent bien aux outils et méthodes du marketing, et supposent en fait un « état d’esprit » marketing.

Pour commencer, le marketing sait être analytique. Habitué à modéliser des comportements d’achat ou à jongler avec les concepts d’attitudes ou de préférence, le marketing sait s’affranchir des impressions subjectives et des anecdotes rapportées par la force de vente. Le caractère « scientifique » des démarches marketing se retrouve par exemple dans la capacité à gérer des marchés tests, à raisonner de manière prospective et à maîtriser la base de connaissance du marché cible. Conséquence logique de cette dimension, le marketing a l’habitude de commander, piloter et interpréter des études. Cette capacité à gérer efficacement les résultats des études et enquêtes est fondamentale. A titre d’exemple, les enquêtes de satisfaction auprès de clients B to B sont un levier précieux de transformation si elles sont réellement utilisées à cette fin ; et faire entendre la « voix du client » suppose un savoir-faire marketing.

Une autre compétence-clé du marketing sera nécessaire pour avancer vers une expérience client riche : la capacité à créer et faire évoluer des segmentations. Une approche de l’expérience client B to B qui ne serait pas fondée sur une véritable segmentation serait vouée à l’échec. Pour un même produit (mettons : de l’oxygène liquide) l’usage et l’expérience client seront radicalement différents entre un client industriel et un client médical… Une approche réellement segmentée, au sens d’une segmentation marketing et non d’un découpage de portefeuilles commerciaux, est un préalable à toute ambition sérieuse d’amélioration de l’expérience client. Un de nos clients dans le secteur de la gestion des déchets illustre parfaitement cette logique.

Conséquence logique de cette double compétence (analyse + segmentation) le marketing peut s’appuyer sur la notion d’offre, un territoire familier. Manipulée avec précaution la notion d’offre permet de construire LES expériences clients des membres des organisations B to B comme autant de composantes de l’offre globale faite à ce client. L’entreprise lui / leur apporte un produit ou un service, mais aussi tout son environnement, on lui en facilite l’usage, on cherche à en réduire le coût (monétaire ou autre) de possession, etc.

Le marketing est efficace

Evidemment, la fonction marketing est efficace du fait de sa légitimité et de ses compétences. Les raisons évoquées ci-dessus font qu’une initiative sérieuse d’amélioration de l’expérience client B to B suppose (1) un pilotage marketing pour être acceptée par tous, (2) une approche marketing pour être conduite de manière informée et segmentée.

De plus en B to B comme en B to C, il devient indispensable de savoir penser la relation de manière multicanale et notamment digitale. Sans développer ici toutes les conséquences de ce phénomène, il est clair qu’il suppose une approche marketing et qu’une démarche exclusivement commerciale fondée sur une force de vente revient à se couper un bras… Si le CRM pouvait encore être à une époque l’outil des forces de vente, il ne permet plus de gérer réellement la relation multicanale avec tous les utilisateurs (nous y reviendrons bientôt).

Il nous semble en somme chez Why Consulting que le prisme de l’expérience client est extrêmement fécond et pertinent en B to B.  Parce qu’il est facile à comprendre et à faire comprendre il peut devenir un levier important de transformation des organisations et d’amélioration de la rentabilité. Mais son apparente simplicité suppose un savoir-faire particulier pour en tirer tous les bénéfices et ces compétences sont généralement détenues par les acteurs de la fonction marketing.  

Construire la gamme d’offre d’une entreprise B to B n’est pas essayer de compiler les offres faites aux clients. Il est d’ailleurs préférable de bannir ce terme et de parler de « réponse » ou de « solution » pour les réponses. Cette gamme d’offre ou plutôt ces gammes d’offres d’expérience client doivent montrer une connaissance fine des besoins des utilisateurs, être cohérentes avec le positionnement  de la marque, et cohérentes au sens du mix marketing. A titre d’exemple il est évident que le bon choix des quantités et des packagings sont – aussi – une question importante d’expérience client : la même colle ne sera pas fournie sous la même forme selon qu’elle sera mise en œuvre par un artisan du BTP ou sur une chaîne de montage…

Les bénéfices d’une approche marketing de l’expérience client

Face à l’exigence de trouver des leviers de différenciation alors que l’offre produit se banalise, l’approche par l’expérience client en B to B permet presque naturellement de raisonner « solution » et non plus produit. Il résulte de cette nouvelle posture mentale si elle est acceptée par des tous des gains significatifs en termes de :

- Fidélisation : les liens tissés à tous les niveaux chez les clients créent des barrières à l’entrée importantes pour des concurrents, alors même que la satisfaction des utilisateurs aide à défendre sa position et à aller vers un véritable partenariat.

- Développement des ventes : à la fois chez ses clients existants en apportant des nouveaux services et en étendant sa couverture des besoins mais aussi en développant des logiques de prescription interne ou externe.

- Amélioration des marges : en apportant des solutions à plus forte valeur ajoutée, mais aussi par la maîtrise des coûts que permet une approche du juste besoin et le développement de gammes d’offres adaptées à chaque segment.


Auteur : Vincent Thuillier, Directeur Why Consulting
https://fr.linkedin.com/in/vthuillier

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